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À l'ombre d'un avatar

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De la page 51 à la page 55

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lovers free from Pixabay

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semaine précédente

-"Plus tard ! Plus tard ! Viens m’aider, allons l’allonger sur son lit. Il doit reprendre ses esprits, il vient de frôler la crise d’épilepsie."

 

Maintenu sous les bras, Jacques se relève sur ses jambes.

 

"Ça va, je suis là ! Juste un coup de mou !"

 

Jacques garde un regard vitreux, ses mains se cramponnent au bord de la table où repose le casque. Avec soin ils l’accompagnent jusqu’à la chambre. En chemin Line annonce :

 

"Je vais le surveiller ce soir, je vais me caler dans sa chambre au cas où."

 

"Bonne nuit, Line ! N’hésites pas à me réveiller si ça ne va pas !"

 

-"Bonne nuit Gildas ! Penses à tout éteindre."

 

- oOo -

 

Revenant de la douche, elle pousse délicatement la porte restée entrebâillée.

 

La lumière voilée du chevet laisse deviner des espaces multiples, tous en relation avec le livre. Un bureau en chêne clair, avec dessus un cylindre rempli de crayons à mine de plomb, un sous-main en buvard vert enchâssé dans un cuir plus sombre. Un des replis d’angle maintient une lettre. Une plume de paon s’élève vers le plafond, sa pointe enfoncée dans une bouteille d’encre Waterman remplie de sable coloré violet. Dans la pénombre, le rotin d’un fauteuil à bascule cache en partie l’étagère du mur. Les livres, posés en piles verticales étouffent un crâne de squelette. L’accessoire de théâtre délimite sûrement le quartier des éditions Gallimard, sans doute parmi eux Shakespeare. Il y a une feuille sur le sous-main, le stylo-plume en travers pointe une invite. L’écriture est sans hésitation, régulière. Les lettres liées entre elles forment une chaîne de pointes, les boucles fermées sont à peine visibles :

 

" Fais comme chez toi !"

 

Une couverture en polaire bouclée a été posée sur le fauteuil Duchesse placé en angle avec la fenêtre. La toile tapissière porte la trace d’usages fréquents. Line délaisse ce confort.

 

Relevant délicatement les draps, elle se glisse aux côtés de Jacques dont la respiration profonde anime la literie d’un mouvement lent et régulier. L’espace restreint oblige les deux corps à partager une courbure commune. Elle déguste cet instant. Voleuse et partageuse elle fait reposer son bras encombrant le long de la jambe de Jacques. En un temps infini, les chaleurs s’harmonisent. Bonheur vrai ou bonheur imaginaire, le doute possède ce parfum exquis des senteurs du

soir. Le sang dans une amplitude envoûtante résonne dans ses tempes.

 

Un long souffle de Jacques annonce un changement de position. Son corps s’éloigne, tourne sur lui même et enfin se rapproche. Son flan s’éclipse au profit de sa face avant.

 

Oh ! Éternité du devenir ! Plus rien ne dure, tout est présent. Ce bras qui maintenant l’enserre signe l’apothéose du désir de Line. Du bout de ses doigts fins, elle cajole la peau à sa portée. Une ondulation sur sa hanche, lui confirme l’acceptation de son message. Combien dure le présent dans ce moment unique ?

Line, naturellement porté par un désir profond, son propre corps se soulève pour enjamber celui de Jacques qui répondant au contact de leurs chaires, pose ses mains sur les hanches en surplomb. Il frémit, caresse, ondule, se cambre. Dans l’ombre, elle devine les paupières qui s’entrouvrent.

 

Du bout de son index à l’ongle nacré, elle lui frôle les lèvres, les tient muettes par une légère pression et chuchote :

"Acceptes-tu de m’accompagner ?"

 

Lèvres emprisonnées, il signe de la tête son approbation. Son cœur vacille, sur ses lèvres le doigt est remplacé par un long baisé. Des mains magiciennes viennent en longues caresses effacer en lui les plus infimes parties de défense. Il se vide de toute volonté. Son être entier se rassemble en un monticule semblable à du sable. À chaque effleurements une part de lui même suit le toucher enchanteur. Envoûté il se découvre enveloppe vide, contenant déserté. Sa plénitude est là dans ce monticule cristallin qui s’effondre par le centre. Tel le sable de la clepsydre, il s’écoule en un long trait. Un creuset à la main, Vénus en Aphrodite le reçoit. Les forges de Vulcain transforment cette multitude sableuse en

une pâte de verre unifiée. Il se ressent épousant chaque recoin du creuset profond. La chaleur, le mouvement, tout est objet à une métamorphose surréelle. Boule de verre, pâte sur la canne du meilleur des souffleur de verre, il s’enfle sous le souffle lent et créateur.

Une lumière intense l’inonde...

 

Le petit jour le rappelle au monde. A ses côtés, Line dort. Ses cheveux laissent voir le bonheur de son visage. Aucun diamant du plus grand joaillier hollandais ne peut rivaliser. La plénitude rebondit sur les mille facettes.

 

Il se lève, parcourt la bibliothèque, prend un livre et s’assoit sur le fauteuil en rotin. Pourtant mille fois lu, d’une traite il redécouvre : Voyage au bout de la nuit. Au dos du broché on peut lire : Gallimard – Roman– Louis Ferdinand Céline !

 

- oOo -

 

 

De la chambre de Gildas, la musique filtre en fond sonore. La fugue en do de Pachelbel interprétée au saxo berce la douceur matinale de sentiments profonds et caressants. Line, les yeux ouverts habite le lit de toute sa paresse. Elle profite encore et encore du bien-être d’un matin où souvenirs charnels et calme de l’aube se mêlent.

 

Jacques ayant posé sa lecture sur le rotin, livre fermé sur un marque-page pour ne pas casser le brochage, se lève, cambre son dos de félin, pose ses lèvres sur la paume de sa main, y dépose un baiser et le pousse d’un souffle vers Line. Sourire complice, elle entre-ferme les paupières. Il s’éclipse en cuisine. On perçoit l’eau qui remplit la bouilloire, la porte du placard, le tintement de trois tasses sur un plateau berbère.

 

Entendant la bouilloire, Jacques avance dans le couloir et frappe à la porte de Gildas.

 

"Veux-tu prendre un thé avec nous ?"

 

- "J’arrive !"

 

Sur le lit, jambes en tailleur, Line rassemble ses cheveux et les noue sommairement. La chemise de Jacques sur son buste lui fait une véritable blouse.

 

"Bonjour !"

 

Gildas se glisse dans la pièce. Les rayons du soleil levant illuminent les murs de lés ocres. Les ombres projetées au plafond s’enfoncent vers le bas, se rassemblent en faisceau au pied de la fenêtre.

 

Jacques offre le thé à Gildas en lui désignant le plateau

Acquérir le livre papier ou encore le livre numérique, les possibilités sont multiples.

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