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À l'ombre d'un avatar

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De la page86  à la page 90

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De la page86  à la page 90

voit une réserve inépuisable pour peintre impressionniste. Freyja ressent elle aussi ce sentiment et répète : "Que c’est beau ! Que c’est beau !". À l’occasion d’une pause, Jacques fait quelques clichés ; à l’extérieur de la voiture, la température et le vent surprennent, un frisson parcourt les échines...

Jacques cherche l’image. Freyja et Line à quelques mètres se découpent sur le ciel maussade. Les cheveux dénoués de Line volent.

"Ne bougez plus... Parfait !" Dans une série de déclics, la machinerie mitraille.

 

Un peu avant Bourgneuf-en-Retz, au Hameau des Rivières, Gildas tourne à gauche. La route étroite s’enfonce dans le marais, l’eau est partout, le goudron n’est plus qu’une île escortée de canaux ; les poids lourds y sont interdits, leur masse risquerait d’entraîner la chaussée par le fond. On dit que des villes englouties dorment sous la surface des ondes, attendant le retour du roi Gralon. Depuis plus de quinze siècles les portes ouvertes du puits de la ville d’Ys continuent de déverser des flots envahisseurs sur toute cette zone de Bretagne sud.

La ligne de vie serpente, cherchant le passage entre des étendues liquides ; ça et là un passage busé donne accès à un pré où paissent quelques bœufs. Le relief n’est plus, tout est plat et uniforme, le sentiment d’isolement remplit les cœurs. Une barre végétale rappelle que par-delà l’horizon un autre monde existe ; mais peut-être s’évanouira-t-il dans les brumes d’un mirage...

 

La voiture avance vers une destination imaginaire ; les rares bifurcations ne renseignent plus les voyageurs : en face rien à perte de vue, à gauche rien non plus. Seules quelques bêtes dans un clos connaissent le parcours mais l’heure n’est pas à la communication semble-t-il. La ligne d’arbres qui tout-à-l’heure paraissait si lointaine est là au bord du canal, juste trois ou quatre résineux tordus. Fouillant le paysage, l’œil ne se pose plus ; rien que cette immensité envahie par la solitude. Le chemin s’écoule, le paysage se répète.

 

Enfin une ligne électrique annonce par ses poteaux en bois le retour à une région moins hostile. Le pont de Fresne marque le début du marais drainé. Les espaces sont cultivés. La route à deux voies les rassure.

La ville de Bourgneuf et sa station service signe la fin de l’isolement... Sans pause, comme fuyant l’enfer, ils roulent jusqu’à Pornic. Les habitations respirent les vacances avec leurs jardinets proprets, leurs façades repeintes et les coques de dériveurs sur des remorques. Ils descendent sur le port.

 

Une place de parking se libère sur le quai Leray ; Gildas y stationne. Le tour du port à pied est plus attrayant et ranime les jambes engourdies par la position assise. Le soleil perce la grisaille et réchauffe nos amis. Le port est à sec, l’eau se cantonne dans une flaque entourée de vase. Les coques blanches au mouillage reposent inclinées. Les mouettes et goélands marchent sur les bords du quai, s’envolent puis se reposent à chaque touriste qui passe. Line et Jacques marchent l’un contre l’autre, doigts croisés au bout de leurs bras liés. Ils se parlent à voix basses. Freyja et Gildas, devant, commentent le paysage de leurs impressions. Quittant la rue, ils s’engagent sur la passerelle entre château et mer. Pour montrer à Freyja une mouette en haut de la tour ronde, Gildas lui passe le bras par dessus l’épaule, index tendu, leurs têtes se frôlent.

 

"Là, regardes !"

-"Oui !"

 

A-t-elle vu la mouette ou a-t-elle apprécié la chaleur de leurs corps rapprochés ?

"Je n’ai pas très chaud !" Elle prend la main tendue devant elle et la ramène comme un cache nez. Gildas se laisse faire...

En bout de passerelle, l’ombre des arbres laisse la place au soleil. Ils s’immobilisent, regardant la crique devant eux.

La mer, en vagues douces, lèche le bas de la grève. Line et Jacques arrivent, admirent le site. Une photo du groupe devant les bateaux et le large immortalisera la journée grâce à un passant. Sur l’image on différencie deux couples.

"Poussons jusqu’au port en eau profonde." propose Gildas. Ils traversent par le sable et contournent la pointe. La végétation sur le haut est surprenante, les essences proviennent d’explorations lointaines. La mer porte la houle du large qui écume sur la roche en contre bas. Après une courte observation du port moderne tout en marchand, ils reviennent par l’intérieur, Freyja s’étant refroidie.

 

À quelques pas du porche fortifié, en descendant vers le port, Line repère une boutique en retrait sur la gauche : ’EQUIVOQUE’. Visiblement ouverte, la boutique fournit tout de la tête aux pieds. Elle entre, un tintement retentit en arrière boutique. Les autres entrant à leur tour incitent la gérante à quitter son repas pour les accueillir.

"Bonjour ! Vous recherchez quelque chose de précis ?"

 

-"Nous regardons. Merci."

 

-"Je finis mon repas, je suis à vous dans une minute." La boutique fournit l’équipement complet pour le vacancier des bords de mer. Bonnet à la Cousteau, ciré jaune à capuche, tee-shirt à rayures, pull marin... Line arrête son choix sur une vareuse brique. Le modèle est de tradition avec une demi ouverture pour passer la tête et un col à large rabat pour pouvoir se protéger la nuque. Prenant un des cintres, elle regarde le vêtement le bras tendu, en le faisant tourner de profil puis de dos. Elle s’approche de Freyja et lui demande de l’essayer :

"Peux-tu passer cette vareuse, s’il te plaît ? Que je me rende compte."

 

-"Mais, pourquoi moi ?"

 

L’idée de Line est d’offrir à son amie un vêtement en souvenir de leur rencontre, et qu’elle n’ai pas froid avec sa petite robe. Pour ne pas risquer un refus, elle va faire croire que c’est pour elle.

 

"Nous avons la même taille et je verrai mieux sur toi le tombé."

 

La vendeuse revient et débite un argument de vente appris par cœur :

 

"Grâce à sa toile de coton, coupe-vent et résistante, profitez de la robustesse de votre vareuse pendant des années ! C’est le coupe-vent idéal à emporter partout lors de vos prochaines escapades maritimes ou terrestres."

 

Elle explique à Freyja comment enfiler la vareuse. Les deux bras en l’air dans la toile, elle engage sa tête en la penchant vers l’arrière, chevelure regroupée. Gildas et Jacques profitent du profil flatteur : la posture fait ressortir la poitrine et la cambrure des reins. L’essayage de ce genre de vareuse par une femme se conclut toujours par une vente. Line paye les quarante euros.

 

"Gardes-là sur toi, je n’ai pas de place dans mon sac." Puis s’adressant à la vendeuse : "Merci. Connaissez-vous une crêperie agréable, s’il vous plaît ?"

-"Juste derrière, vous avez La P’tite Crêpe Rit. Vous descendez et à droite rue des Sables. Une maison rouge, marquée pizza, mais en fait une crêperie. Bonne journée M’sieurs-Dames."

 

Ils avancent et trouvent sans problème.

 

Sitôt à l’intérieur, Freyja explose de joie, les couleurs sont vives, le rouge vermillon domine sur le noir. À gauche du comptoir un tableau d’art moderne haut en couleur orne le mur ; les volumes sont épurés, le mobilier géométrique et simple délimite des espaces individualisés. Le flash est total quand elle découvre la toile tendue genre graff multipliée par les miroirs.

Pour Jacques, on est en plein Stendhal !

 

Le patron, comprenant l’esprit de sa clientèle, propose de servir dehors au patio. L’espace restreint et tout en longueur est superbement exploité : Dans la partie basse un jeu tables grises avec des chaises métalliques genre collectivité orangé-rouges ; trois marches longues à gauche d’un muret de pierres sèches donnent accès à une pelouse d’un vert soutenu ; deux banquettes en rotin nature de style cubique aux matelas orangé-jaunes font face à un cube bas assorti. Des plantes vertes et une petite table ronde violette complètent l’ambiance. Au fond du jardin une cascade de verdure masque la façade de trois étages.

Ils commandent deux galettes œuf-fromage et deux à la Saint Jacques. Là encore l’œil ne peut que jubiler. Dans un service rustique rouge vif, posée au centre la première galette disparaît sous un manteau de fromage fondu parsemé de ciboulette, deux œufs sur le plat en émergent, jaune bien visible. Une spirale de gruyère fondu entoure la préparation. La galette à la coquille rivalise : ses bords repliés forment un rectangle, quatre noies posées en diagonale sur une garniture de... à suivre

C'est le moment idéal pour regarder mon nouveau livre:  Les Contes du Chat des Songes.

À l'ombre d'un avatar est disponible en livre papier ou en livre numérique, les possibilités sont multiples.

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Bonne semaine,