Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
À l'ombre d'un avatar

À l'ombre d'un avatar

Menu
Joyeux Noël ! De la page 71 à 81

Joyeux Noël ! De la page 71 à 81

Joyeux Noël ! De la page 71 à 81

lignes se chevauchent, s’écartent, s’entremêlent une dernière fois pour ne plus être que ces parallèles qui ne se rencontrent qu’à l’infini. À allure modérée le convoi s’enfonce dans la capitale.

Son voisin n’est plus là ; probablement a-t-il commencé à remonter le train afin de gagner un temps précieux et rejoindre la sortie de la gare d’arrivée au plus vite. Elle en profite pour poser ses documents sur le siège et enfiler son loden. Son regard vérifie que le sac de voyage est toujours là dans le container. Les brusques changements de voie la rejettent sur son siège... Paris, Paris... Plus question de rêvasser !

 

Semaine précédente

- oOo -

 

Après un moment de flou suite au départ de Line, le rythme de vie des deux amis reprend. Quelques révisions et travaux à faire pour leurs études les occupent jusque dans l’après-midi. Gildas, dans l’intention de partager un thé avec Jacques, frappe à sa porte.

 

"Rentres, je suis là !"

 

La chambre est rangée, le lit refermé, sur le bureau le livre des pensées de Pascal côtoie des feuilles de papier couvertes d’écritures manuscrites.

 

"Tu voies, je me suis replongé dans Pascal. Est-ce nos expériences ? Est-ce ta sœur ? Sans doute les deux, mais aujourd’hui je découvre son œuvre avec un nouveau regard. Bon nombre d’idées jusque là banales, presque vides de sens à mes yeux, trouvent en moi une résonance. Je les conçois, je les partage."

 

-"J’ai bien compris que ma petite sœur présentait pour toi un réel intérêt. Vous n’avez pas fait que jouer au scrabble... Veux-tu un thé avec moi ?"

 

-"Avec grand plaisir !"

 

Une fois à la cuisine, tasses à la main, la discussion se poursuit :

 

"Ta sœur nous a parlé de cette particularité des massages sur les sportifs, elle faisait appel à des connaissances sur le système nerveux végétatif. Qu’en est-il exactement ? Expliques un peu, je n’aime pas être largué.

 

-"Un aspect du système nerveux méconnu du grand publique est le système sympathique. Avant même qu’un être

vivant ne puisse penser, ressentir, il lui faut pour vivre réussir à mettre en accord toutes les parties de son corps qui assurent les fonctions vitales. Même chez les êtres les plus simples, ces fonctions sont gérées et commandées par un système endocrinien et un système nerveux. Leur fonctionnement est quasi autonome pour la digestion, la respiration, les circulations artérielle et veineuse, les sécrétion et les excrétion. Des centres nerveux régulateurs sont situés dans la moelle épinière, le cerveau. Ces deux systèmes commandent les phénomènes végétatifs nécessaires à toute dépense motrice : irrigation sanguine, sudation, etc... et les comportements affectifs ; enfin, ils sollicitent le système nerveux somatique pour mettre en jeu des comportements liés aux besoins primaires : recherche et ingestion d’aliments, accomplissement des fonctions excrémentielles ; recherche du partenaire sexuel."

 

-"Derrière ce savant discours, je comprends qu’en agissant sur le côté végétatif d’un individu, il est possible de provoquer des stimuli sur l’être somatique. J’ai un peu le sentiment que nous nous éloignons de notre objectif premier : trouver un moyen pour se mettre dans les conditions mentales où Pascal était lors de ses écrits."

 

-"C’est vrai, Jacques, mon attrait pour la médecine me pousse à voir l’être humain au travers d’une masse de connaissances précises concernant la base commune et j’en oublie l’aspect individuel, ce qui nous fait tous différents les uns des autres."

 

-"Au risque de me répéter, je te rappelle que pour Pascal, la puissance des apparences est dopé par l’imaginaire. La perte de raison fait prendre pour vérité ce qui appartient au hasard. Main de Dieu ou nécessité, tout ramène l’homme à prendre conscience que sa durée vaine et chétive est insoute-

nable et qu’il vaut mieux ne pas y penser. Pour Pascal, le divertissement est un palliatif au néant de sa condition et à sa mort certaine : « Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux, de n’y point penser ». Alors qu’au fond de lui, l’homme est convaincu de la « fausseté des plaisirs présents » et de la « vanité des plaisirs absents », il cherche l’agitation permanente dans les activités agréables et dans les tracas. En comprenant sa faiblesse le savant obtient le même résultat que le simple : l’ignorance mais par détour de sa connaissance."

 

-"Je connais ton discours, crois-tu vraiment que nous nous créons un univers artificiel seulement pour nous distraire ? Pourtant, je suis, tu es !"

 

-"Oui, si la raison est raisonnable mais comme elle est source d’illusion, elle nous fait croire à la vérité des sciences. La vérité est fille de la raison mais aussi du cœur ; son approche renvoie à l’intuition de l’espace, du temps mais aussi à l’intuition de la moralité ; ce que Pascal nomme la pensée."

 

-"Mais alors, s’exclame Gildas, ton idée de te mettre à la place de Pascal pour connaître ses pensées est un détour inutile, une vanité !"

 

-"Si nos expériences n’étaient pas vécues, c’est leur manque qui nous ferait douter ; il est vrai que pour le philosophe le procédé parait castrateur. Par contre cette action sur le végétatif pour atteindre le somatique peut être judicieuse dans ta démarche médicale pour accompagner des traitements."

 

- oOo -

 

Devant récupérer les heures supplémentaires accumulées lors du séminaire à Marrakech Line termine cette semaine le jeudi en fin d’après-midi. Elle a une réservation dans le train qui arrive à vingt trois heure à Nantes. Peu habituée à cette ville, elle a averti les garçons pour qu’ils viennent à la gare. Ils ne se sont pas fait priés ! La motivation de Gildas est déterminée par la sécurité pour sa sœur car le soir, certaines rues sont moins sûres. Pour celle de Jacques, tout le monde comprend le pourquoi.

 

Un bref passage chez elle lui a permit de prendre quelques affaires, un peu de linge et surtout un ciré et des bottes, un pull marin et sa robe de flanelle...

 

Elle avance sur le quai, le soleil rasant du soir étire sa silhouette en une ombre démesurée. Dans deux heures, cette parenthèse éloignée de Jacques prendra fin. Le vent frais du crépuscule, lui fait relever le col de son trench-coat Burberry. Simplement belle et calme, les mains dans les poches, elle pense à ces soirs d’été où les cigales chantent dans les pins au bord de la méditerranée... Emmener Jacques sur les rivages bleus de Collioure... Mais serait-il d’accord ?

 

Enfin le train arrive, longe le quai et s’immobilise. Les portes s’ouvrent sur un espace indemne de toute trace humaine. L’air y a la fraîcheur du dépôt ferroviaire. Par chance, la voiture indiquée sur son ticket se trouve juste à sa hauteur. Elle monte et s’installe.

 

La voiture se remplit progressivement. Line est surprise par la quantité de personne qui fuient la capitale, le soir en fin de semaine. Les vacances scolaires ont sans doute leur rôle à jouer. Certains parents retournent partager avec leur enfants une vie sur la côte atlantique...

 

Une femme vient de monter, son style si différent la rend unique au milieu d’anonymes. Line la regarde, un sentiment la traverse, cette personne ne peut être que celle avec qui elle va partager la banquette jusque tard dans la nuit.

 

Son intuition s’avère juste.

 

"Bonsoir, je me présente : Freyja ! Je suis contente de voyager en votre compagnie !"

 

-"C’est réciproque. Je m’appelle Line. Mais dites-moi, Freyja, c’est bien un prénom nordique ?"

 

-"Pour ma part je suis polonaise. Le prénom, lui, est d’origine scandinave. C’était celui de la femme d’Odin, par usage courant aujourd’hui le sens en est celui de femme, de princesse aussi. Mes parents sont de Varsovie où je termine mes études en design et communication visuelle à l’ESAM. Je parcours la France un peu à la manière du compagnonnage pour enrichir mes connaissances avec un vécu personnel."

 

Voilà comment en seulement trois minutes, cette fille ouvre autant de portes, d’envies d’échanges, de savoirs, de découvertes, rien à voir avec le voyage précédent et le voyageur fantôme. Les aléas informatiques de la SNCF peuvent aussi être agréables. Sans aucune retenue les deux jeunes femmes abordent tous les sujets, elles se dévoilent et se découvrent.

 

Freyja porte une robe graphique tricolore recouvrant son corps de triangles obliques rouilles et chamois. Le haut, de type chauve-souris avec des manches enfermant jusqu’à la paume des mains fait ressortir le côté très court du bas bordé d’un biais noir. Une ceinture étroite entre les deux parties resserre la taille. La longueur du leggings chamois guide l’œil

le long de ses grandes jambes vers des bottines noires à la Mary Pop-pins. Elle fait vivre son ensemble par des mouvements de poignets et des avant-bras. La cadence de ses propos et de ses battements d’ailes l’emportent dans un vol abstrait. Sa chevelure noire et ondulée tranche avec les yeux verts qu’elle souligne par le passage régulier de lunettes argentées. Sa voix gutturale et douce recentre le regard sur son cou fort, court, sec et le col bateau de la robe.

 

Line très simplement porte une tenue Casual, un chemisier fin en coton blanc, boutonné en dorsal sous une longue chemise cache-poussière en flanelle à carreaux pourpre et noir, un jean moulant et des baskets blanches. Toute la touche est dans dans son chapeau Fèdora bordeaux qu’elle conserve même assise. Le point fort de Line est dans ses doigts qu’elle allonge et fait voler par balancement du poignet comme pour illustrer des idées volatiles. À son bras, les cinq bracelets marocains d’argent, symboles de pureté, émettent des tintements.

 

"Freyja, Je suis touchée par la facilité avec laquelle nous échangeons. Il me semble vous connaître depuis notre enfance, peut-être même depuis toujours...

Croyez-vous que ceci soit possible alors que vous êtes polonaise et moi française ?"

 

-"Il est plus agréable d’échanger avec un proche ou un frère. Tutoyons-nous... Arrêtes-moi si je me trompe, voilà comment je te ressens :

 

Tu es surprenante, émotive, très sensible avec les pieds bien ancrés sur terre. Décidée et autonome, tu assumes tes responsabilités ."

 

-"Incroyable ! Tu as fait de moi un portrait si précis que

je me sens comme toute nue ! En retour voici le parfum dans le quel je t’envelopperais : Fleur sauvage d’Europe, ton invitation à la détente, à la rêverie et à la tendresse serait magnifiée par l’attrait de la senteur du parfum doux et subtil de l’églantine... Au Japon le front de floraison des cerisiers sakura zensen, marque la fin de l’hiver. Son avancée est palpitante, la fête est merveilleuse, l’émoi est général ; c’est tout l’archipel qui est sous hypnose...

 

Tu portes cette fleur en toi... Des zestes d’agrumes relèvent et illuminent ton cœur de tendres délicatesses."

 

Étonnée par le tableau que Line vient de tracer, Freyja lui demande : "Comment se peut-il que tout cela soit si visible pour toi et surtout avec une telle précision ? Au premier coup d’œil, j’ai vu la personne sérieuse, précise mais tu cachais ton vrai côté sensible et artistique."

 

-"Nous sommes en fin de semaine. Mon travail m’oblige à un certain comportement, mais avec toi, je préfère laisser libre court à ma sensibilité."

 

-"Oh ! Il est bien dix heures et demie ? Demande Freyja à Line. Nous arriverons à Nantes dans peu de temps. Excuses-moi, je dois me trouver une chambre." Elle sort son smartphone et se met en quête d’un hôtel.

 

-"Je vais chez mon frère et son ami, je les appelle pour t’héberger si ils sont d’accord. Ça te convient ?"

 

-"C’est gênant, peut-être ?"

 

Après une courte conversation avec son frère, Line se tourne vers Freyja.

 

"Aller, c’est Ok ! Ils te font une place au salon. Tu verras, ils ne te mangeront pas et comme ça notre rencontre ne va pas finir sur un quai de gare ! Ils sont en congés ces jours-ci."

 

Line décrit l’appartement et les activités des garçons... Les lumières de la ville commencent à éclairer la nuit. Le TGV change d’allure...

Le train rentre en gare. Le vide latéral est remplacé par les quais qui avancent. Un peu avant l’arrêt complet, Line reconnaît les garçons sur le quai et leur fait signe.

 

Ils se mettent en marche pour suivre la voiture.

 

- oOo -

 

"Je te présente Gildas, mon frère ! Et Jacques, en se jetant à son coups, son coloc."

 

Habile manœuvre pour faire comprendre à Freyja leur relation sans pour autant centrer une éventuelle discussion là dessus.

 

"Freyja, la fille qui vient dormir, nous avons fait le voyage de Paris ensemble ; elle est super !"

 

Les garçons, portant les sacs, embrassent Freyja en signe d’appartenance au groupe.

 

Une onde rosée qui envahit les joues de la jeune femme. Elle cache sa pudeur subite dans son confortable et élégant manteau cintré. D’allure chic, coupé 3/4 dans de la polaire rouge, des inserts de simili cuir en liseré aux manches, poches et capuche rappellent la longue fermeture à glissière transversale.

 

Silencieux, ils se dirigent vers la sortie en suivant les couloirs illuminés et retrouvent la nuit à l’extérieur.

 

"Nantes by night ! Sous son aspect calme et paisible, méfiez-vous de cette ville. Elle ne connaît pas de trêve nocturne. Les bars restent ouverts jusqu’au matin et déversent par vagues les fêtards que l’alcool imbibe.

Croyez-en votre guide Gildas !"

 

Arrivés dans l’appartement Line montre le salon à Freyja, à son grand étonnement la soucoupe volante a disparu ! Tout est revenu dans l’ordre qu’elle connaissait, seul le fauteuil et la table de travail portent la preuve qu’elle n’avait pas rêvé : le casque virtuel, les cameras et l’ordinateur sont toujours là ainsi que quelques. Sur la banquette elle reconnaît la

couverture en polaire et un coussin qui d’ordinaire se trouve sur le lit de son frère. "Installes-toi à ta guise, s’il te manque quoi que ce soit, fais-moi signe. Je vais poser mes affaires et sortir du linge de toilette. La salle de bain est sur la gauche dans l’entrée."

 

Poussant la porte de la chambre de Jacques elle reste surprise, la disposition a changé. Le lit est tourné à 90 degré dégageant son accès de part et d’autre. À droite la table de chevet, sur la gauche la chaise en rotin. Le fauteuil Duchesse est maintenant devant l’étagère et le bureau légèrement poussé vers le mur opposé. Jacques est au bureau, jambes allongées, basculé légère-ment en arrière, il lit. Devant lui des livres sont empilés.

 

"Excusez-moi, Monsieur, j’ai du me tromper de chambre ! Puis continuant la plaisanterie, mais où se trouve le fauteuil où je vais dormir ?"

 

Jacques rusé bien que surpris par les propos de Line lui rétorque :

 

"Je vous ai installée dans le grand lit, je prendrai le fauteuil si cela ne vous dérange pas. J’ai dégagé une étagère pour vos affaires !"

 

Ils se jettent enfin dans les bras l’un de l’autre et roulent sur le lit. Regards, baisers et caresses, ils se retrouvent comme après un an d’absence...

Quand ils émergent apaisés, ils retrouvent Freyja et Gildas dans la cuisine, assis à un angle de table, buvant un verre. Que se sont-ils dit en attendant que les amoureux reviennent ? Freyja a-t-elle fait un portrait de Gildas ? Quatre couverts sont installés.

 

 

 

 

Bonjour, le week-end prochain, nous fêterons Noël. C'est le moment idéal pour vous annoncer la sortie de mon nouveau livre:  Les Contes du Chat des Songes.

Acquérir le livre papier ou encore le livre numérique, les possibilités sont multiples.

commentaire d'accueil : Pourquoi-ce-blog

Bonne semaine, rendez-vous le 2 janvier.